Il est des voyages immobiles qui bouleversent en profondeur celui qui les entreprend. Il est des traversées qui, au lieu d’exiler, rapprochent de l’Humain et de ses éternelles interrogations sur la vie et la mort. Le cheminement artistique de Lôter fait partie de ces odyssées d’exception.

Ce qui frappe, en premier lieu, l’oeil et l’esprit : l’essentielle verticalité des oeuvres, leur transcendance naturelle et végétale. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’homme, dans sa structure, est restitué à travers la figure de l’arbre, élément qui, par excellence, fait le lien permanent entre le ciel et la terre.
Hommage au symbolisme et aux croyances mélanésienne, son travail vibre en écho des propos de Maurice Leenhardt dans Gens de la Grande Terre : « L’arbre apparaît souvent comme l’enveloppe où gisait emprisonnée l’existence latente de l’ancêtre ».
Invoquant les temps anciens, les dieux secrets ou oubliés, Lôter chemine dans le respect de la culture et des moeurs de cette Terre qu’il aime. Il sculpte et exulte dans le berceau de l’expression directe « Mélanésie ». Ses oeuvres regardent le ciel avec une recherche obsessionnelle de hauteur, accompagnée de symboles existentiels, dans un équilibre flottant aspiré par la lumière. Elles sont un témoin qui, allant chercher profondément dans la psyché humaine, réveille en nous les enregistrements de nos racines dans les aspects les plus obscurs de notre être.
L’écorce en guise de peau, le coeur du bois pour tout os. Lôter, artiste passeur et passerelle entre deux conceptions du monde, nous entraîne dans l’univers magique de l’illumination, et du métissage heureux. Ensorcellement de l’ouverture au monde, enfin désirée, enfin partagée.

Ni le calcul, ni le didactisme n’ont leur place dans son travail. Lôter sculpte en ronde-bosse et pratique la taille directe, sans croquis préalable, ni modèle. Seul le volume originel du bloc autorise l’émergence d’une forme imaginée par l’écriture thématique orientée.
Pas de théorie en la matière : l’artiste vibre d’une émotion originelle et préfère l’expression directe au raisonnement intellectuel.
Peut-on encore nommer « portraits », ces fragments en mouvement de « Géométrie Humaine Inachevée » ? Ils sont plutôt lucarnes stupéfaites mais émerveillées sur la condition humaine, ses bassesses et sa grandeur, anges et démons emprisonnés dans de si fragiles carcasses.

Chacune de ses sculptures, tel un voyage de la vie à la mort, puis à la renaissance ou à l’éternelle errance, invite le visiteur à l’introspection et à une réflexion sur le sens de nos destinées.